Le mystère "Super Sherlock"


Depuis l'autre jour où j'ai parlé de la série de livres-jeux "Défis fantastiques", la question des livres dont vous êtes le héros me tarabuste (en réalité, c'est une question qui me tarabuste tout le temps, mais un peu plus ces temps-ci).

En passant en revue les séries auxquelles j'ai joué, une ou deux m'obsèdent plus que les autres, à la fois parce qu'elles m'avaient semblé (et me semblent encore) plutôt innovantes, et parce que j'ai du mal à trouver des informations à leur sujet.


C'est particulièrement le cas de la courte série "Super Sherlock" publiée par Folio Junior. Il n'y a eu que deux volumes dans cette série : Le Mystère de Compton (1992) et La Villa des revenants (1993). En réalité, le second tome contient deux aventures : celle du titre et une autre intitulée Les Diamants de Lord Egremont.

L'auteur de la série est un certain Ian Bailey. Les éditions françaises sont indiquées comme traduites de l'anglais (par l'omniprésente Mona de Pracontal), mais la série n'a jamais été publiée dans le monde anglophone (sans doute à cause des aléas du marché du livre-jeu). Ian Bailey (avec un certain Clive Bailey - peut-être son frère ?) était par ailleurs l'auteur des deux volumes de la série "Les Portes interdites", plutôt orientée horreur (et publiée à l'origine en Grande-Bretagne). Apparemment Bailey est un ancien de Games Workshop, et il a par ailleurs crée un wargame rival de Warhammer, intitulé Fantasy Warlord (1990), en collaboration avec Gary Chalk, l'illustrateur des livres-jeux "Loup solitaire". Le wargame n'a pas eu le succès escompté.


Ceux d'entre vous qui ont fréquenté les livres-jeux dans les années 80-90 se souviennent peut-être de la série "Sherlock Holmes", qui comptait huit volumes et qui était traduite de l'anglais (américain). Elle était plutôt bien fichue et suivait une structure classique de livre dont vous êtes le héros, pendant laquelle il fallait trouver les indices permettant de parvenir à la bonne solution.

Mais "Super Sherlock" était une série très différente : le but était clairement de simuler au plus près une véritable enquête, en renonçant à la structure arborescente classique menant le lecteur de paragraphe en paragraphe jusqu'à la fin. Pour ce faire, après l'introduction qui expliquait le crime et la situation initiale, le lecteur disposait d'une sorte de carnet de pistes à suivre. En fonction de celle qu'il souhaitait explorer, il se rendait au numéro indiqué. Dans certains cas, il s'agissait d'un paragraphe isolé, qui ne renvoyait à rien. Dans d'autres, la piste explorée menait à d'autres, qu'on pouvait ajouter au carnet. Le lecteur procédait donc un peu en piochant : il ne suivait pas tant une histoire que des éléments d'enquête, qu'il explorait dans l'ordre qu'il voulait.


Du coup il était possible, si on voulait, de simplement lire tous les paragraphes du livre dans l'ordre, et d'essayer de déduire la solution de l'énigme à partir de tous ces éléments. Mais la série encourageait les lecteurs à trouver la réponse avec le moins de pistes possible, pour se montrer à la hauteur du grand Sherlock Holmes.

À la fin du livre, une série d'indices permettait au lecteur de vérifier la validité de ses soupçons, plutôt que d'aller directement lire la solution. Si on soupçonnait un personnage donné d'être le coupable, ou si on pensait avoir trouvé le mobile, on choisissait l'élément en question dans une liste et le livre indiquait si on brûlait ou si, au contraire, on était loin du compte. C'était une façon de corriger le tir et d'avoir une seconde chance, plutôt que d'aller tout de suite lire la solution.


En jeune collégien pas très futé que j'étais, j'ai peu su profiter de cette série : trop impatient, je comprenais mal le principe des livres, je décidais trop vite que j'avais trouvé la solution et j'allais donc la lire à la fin du livre, sûr que j'avais tout bon. Évidemment, ce n'était jamais le cas. J'en ai pris pour mon grade, mais je pense que cela a accentué l'aura de "Super Sherlock" à mes yeux pendant les année subséquentes. Rétrospectivement, je ne sais pas si les enquêtes étaient si difficiles que ça. Hélas, je ne peux pas les refaire pour vérifier, puisque je me souviens encore des solutions (vous voyez à quel point ça m'a marqué)...

En jouant ces dernières années aux nouvelles éditions de Sherlock Holmes : détective conseil, je me suis rendu compte que "Super Sherlock" était en grande partie redevable au système conçu par ce jeu de société. Détective conseil lorgne plus vers le jeu de plateau avec sa pléthore d'accessoires (cartes, plans, journaux, annuaire), mais l'esprit est assez similaire : explorer un certain nombre de voies, découvrir de nouvelles pistes au fil de l'enquête, tenter de trouver la solution avec le moins de "coups" possible.


La série "Super Sherlock" avait l'avantage de mettre en place ce modèle dans un format livre de poche, bon marché et facile à trouver. Et il y avait quelque chose d'austère à cette série : aucun folklore sherlockien, pas d'humour, juste des enquêtes nues, presque monacales. C'était inhabituel et assez frappant.

Je ne dois pas être le seul à me souvenir de cette série. S'il y en a parmi vous qui ont plus d'infos sur son parcours éditorial un peu curieux, je suis bien sûr preneur. Et question subsidiaire pour les connaisseurs : est-ce qu'il n'y a pas quelque chose dans la solution de La Villa des revenants qui vous a profondément énervé ?...

Commentaires

Messages les plus consultés