Facettes de la S&S (1) : Edgar Rice Burroughs, le grand ancêtre
On considère habituellement Robert E. Howard,
l’inventeur de Conan, comme le père de la sword
& sorcery, mais j’ai envie de remonter un petit peu plus
loin, vers Edgar Rice Burroughs (1875-1950), le premier grand auteur de pulps. Burroughs n’a jamais écrit de
fantasy à proprement parler, mais avec les aventures de Tarzan, celles de John
Carter sur Mars (les deux séries débutent en 1912 dans All-Story Magazine), et celles de David Innes dans le monde
souterrain de Pellucidar (série qui débute en 1914 dans All-Story Weekly), il pose les bases d’un certain nombre d’éléments
qui seront repris par les auteurs de S&S, avec une vingtaine d’années
d’avance.
Burroughs n’a peut-être jamais écrit de
fantasy, mais il affectionne les civilisations perdues qui survivent dans les
recoins sombres de notre univers. Dès le deuxième roman de Tarzan, Le Retour de Tarzan (1913), le héros
explore la cité perdue d’Opar, perdue au fond de la jungle, où il rencontre une
séduisante grande prêtresse, et une population d’origine atlante que
l’isolation a rendue partiellement méconnaissable. Tarzan retournera à Opar
dans plusieurs autres romans, sans compter ceux où il découvre d’autres cités
englouties, des vallées remplies de dinosaures, ou des tribus d’hommes-fourmis.
Sur une échelle encore plus massive, les deux
autres grandes séries de Burroughs, John
Carter et Pellucidar, sont
entièrement consacrées à des mondes cachés : John Carter est un ancien soldat
confédéré qui voyage sur Mars et y découvre des civilisations incroyablement
anciennes, en état de guerre permanent ; dans la série Pellucidar, David Innes et son ami Abner
Perry découvrent que la Terre est creuse et qu’elle abrite des peuples étranges
et des espèces monstrueuses.
Burroughs est un tel géant dans le domaine des
pulps que les premiers auteurs de
S&S sont forcément influencés par son exemple. Conan, à bien des égards,
est un fils de Tarzan : les adaptations cinématographiques du héros
d’Howard, dans lesquelles Arnold Schwarzenegger est vêtu d’une espèce de slip
en fourrure, soulignent visuellement cette parenté. Les premiers héros de
S&S jouent souvent sur le mythe du surhomme, et Tarzan offre un modèle
particulièrement archétypal à cet égard.
Mais ce sont les histoires martiennes de
Burroughs qui, à mon avis, sont les ancêtres directs de la S&S qui émergera
dans les années 30. La planète Mars sur laquelle s’aventure John Carter est
certes un cadre de science-fiction, mais le niveau technologique qui y règne
est un mélange d’antique et de futuriste. C’est un monde en déclin, qui existe
depuis des temps immémoriaux, un monde romantique et mystérieux prisonnier de
coutumes ancestrales, où l’on côtoie des princesses plutôt que des astronautes.
Les Martiens nomment leur planète « Barsoom », ce qui, pour le
lecteur, crée un effet de défamiliarisation et fait de ce monde un univers à
part.
Avec son cadre désertique, ses relents
antiques, son ambiance de déclin baroque, ses héros musclés et ses princesses
éperdues, sans oublier la nudité presque totale de ses habitants, la Barsoom de
Burroughs est un ancêtre presque direct du monde hyborien où s’aventurera Conan
vingt ans plus tard, ou des civilisations décadentes que seront la Zothique ou
l’Hyperborée de Clark Ashton Smith.
Recommandations de lecture : Une princesse de Mars
(excellent) ; Tarzan seigneur de la
jungle (un classique, bien sûr, mais j’aime moins).
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