La Crécerelle et la sword & sorcery
La
Crécerelle doit beaucoup à la sword & sorcery, cette forme précoce de fantasy qui apparaît
dans les pulps américains de
l’entre-deux-guerres et qui met l’emphase sur l’action, l’exotisme et
l’horreur. Robert E. Howard est sans doute l’inventeur de la S&S, avec des
héros comme Kull et surtout Conan le Cimmérien en 1932. Avant que le succès des
œuvres de Tolkien ne lance la mode de la high
fantasy avec ses quêtes épiques et ses
héros d’origine modeste destinés à affronter les Seigneurs du Mal, la S&S
proposait des histoires plus brutes et plus brutales, dont les protagonistes
sont des loups solitaires qui se préoccupent de leur survie plutôt que de
morale.
L’une des choses qui
m’attire dans la S&S, c’est qu’elle incarne une manière non-tolkienienne de
faire de la fantasy. Je suis un lecteur admiratif de Tolkien depuis toujours, mais au moment de poser la plume sur le papier (ou les doigts sur
le clavier), je me demande toujours si le monde a vraiment besoin d’une
trilogie épique de plus où le Bien et le Mal s’affrontent à coups de nains, d'orques et d’elfes. La S&S n’a jamais connu le succès commercial des Terry
Brooks, David Eddings et autres Robert Jordan, mais elle survit obstinément
depuis les années 20-30, et nous a offert au passage la première héroïne de
fantasy, Jirel de Joiry (C. L. Moore) ; la première star underground du
genre, Elric de Melniboné (Michael Moorcock) ; et son premier héros noir,
Imaro (Charles Saunders). Écouter la petite musique singulière de la S&S,
c’est découvrir une histoire secrète de la fantasy, souvent radicale et
contestataire.
Au fil de ce blog, j’aimerais consacrer quelques
posts, de manière semi-régulière, à l’histoire de ce sous-genre ; ce sera
l’occasion de parler d’auteurs que j’aime, et de personnages qui ont influencé
celui de la Crécerelle. Le cœur de la S&S, en effet, ce sont presque
toujours les (anti-)héros : en dehors de quelques cas particuliers (Clark
Ashton Smith ou M. John Harrison), les auteurs créent des protagonistes hauts
en couleur avant tout, et l’univers seulement dans un deuxième temps, comme
support pour leurs aventures. Les héros de S&S sont souvent des
figures solitaires et marginales, définies par l’errance : Conan est un
barbare qui parcourt les terres civilisées sans adhérer à leurs valeurs ;
Elric est le dernier prince d’une civilisation décadente et disparue ;
Kane (Karl Edward Wagner) est condamné à l’immortalité par un dieu vengeur et
parcourt les âges sans jamais trouver d'ancrage. Les protagonistes de
S&S observent les mondes qu’ils traversent avec une certaine distance
critique, voire narquoise. C’est ce qui les rend si séduisants.
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